Peiresc astronome

Plan

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C’est surtout comme astronome que Peiresc donna toute la mesure de son génie. Il tenait un diaire, conservé à la bibliothèque Inguimbertine de Carpentras, dans lequel il consignait scrupuleusement toutes ses observations astronomiques. En particulier il mettait en œuvre une méthode de travail qui deviendra celle de tout chercheur : relever ses observations avec des commentaires et des schémas. Il est important de noter la part prise par le dessin dans les comptes-rendus d’observation laissés par Peiresc.

Page de garde des manuscrits astronomiques. Manuscrits astronomiques, Inguimbertine, Carpentras, Cl. APAP

La grande conjonction de 1604

Kepler avait calculé qu’un phénomène astronomique rare (sa fréquence est de l’ordre de 800 ans) se produirait à l’automne 1604. Il s’agissait d’une conjonction entre trois planètes, en d’autres termes, du rapprochement apparent dans une même région du ciel des trois planètes : Jupiter, Saturne et Mars, toutes visibles à l’œil nu. Peiresc était à Belgentier lorsque cette conjonction eut lieu. Le plus extraordinaire fut qu’un autre événement se produisit au même moment : une étoile « nouvelle » apparut dans la constellation d’Ophiuchus (ou Serpentaire). Cette étoile était ce qu’on appelle de nos jour une supernova, c’est-à-dire l’explosion finale d’une étoile massive en fin de vie. Ces événements ont aussi été observés et décrits par Kepler et pour cette raison la supernova de 1604 (SN1604) porte parfois le nom d’étoile de Kepler. Ne disposant pas de carte du ciel à Belgentier, Peiresc l’observa sans se douter qu’il s’agissait d’une étoile nouvelle. Il ne l’apprit que plus tard grâce à une correspondance l’informant que Galilée l’avait aussi vue.

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est Conjonction-2.jpg.L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est Supernova-1.jpg.
Position des planètes Jupiter, Saturne et Mars le 7 septembre 1604 en début de nuit. On a placé (point rouge) la supernova de Kepler. Fond de ciel Stellarium, Doc. APAPRémanent de la supernova de Kepler : il s’agit de ce qui reste de l’explosion de SN1604. Cl. Hubble Telescope

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Les satellites de Jupiter

La découverte

En janvier 1610, Galilée dirige sa lunette astronomique vers Jupiter et découvre qu’autour de cette planète gravitent quatre petits astres qu’il désigne par « planètes médicéennes ». Cette découverte allait devenir à la fois les sources de ses ennuis vis-à-vis de l’Église Catholique, que l’une des plus grandes découvertes de l’histoire. En effet, Il venait de démontrer qu’il existait des astres qui ne gravitaient pas autour de la Terre, considérée jusqu’alors comme le centre du monde. Ne voulant pas renier ce qu’il avait observé, on sait qu’il fut condamné par l’Inquisition à la résidence surveillée jusqu’à la fin de ses jours. Assez rapidement cependant, Galilée informa ses correspondants de sa découverte : en mars 1610 il publia un livre Sidereus Nuncius dans lequel il décrit ses observations. Dès le mois de mai de la même année, Peiresc fut informé par l’un de ses correspondants italien, Lorenzo Pignoria (Padoue, 1571 – Padoue, 1631), de la découverte de Galilée.

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L’observation

Peiresc n’eut alors de cesse de voir ces nouveaux astres par lui-même. Mais pour ce faire, il était nécessaire de disposer d’une lunette astronomique. D’invention récente (probablement due à l’opticien hollandais Jacques Metius, selon Gassendi) ces longues-vues n’étaient pas encore des instruments très répandus. Peiresc sollicita l’aide de son frère Palamède alors à Paris, pour qu’il lui procure des lentilles qu’il se chargea ensuite de monter aux extrémités d’un tube. Et ce n’est qu’en novembre 1610 que Peiresc et son ami Joseph Gaultier de la Valette (Rians, 1564 – Aix, 1647) furent en mesure de voir par eux-mêmes les nouveaux astres : le 24 pour La Valette et le lendemain pour Peiresc.

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Utilité des satellites de Jupiter

Peiresc savait que les longitudes terrestres étaient très mal mesurées. Alors que la latitude s’évalue facilement à l’aide d’un gnomon dont on mesure l’ombre à midi, par exemple au moment d’un solstice, il n’en est pas de même pour les longitudes. Celles-ci sont définies à l’aide des méridiens locaux. En position apparente, depuis un même lieu, le soleil revient à sa position initiale dans le ciel au bout de 24 h. Pour cette raison il a été convenu de diviser l’équateur en 24 parties égales dénommées heures : 24 heures correspondent à 360°, donc un angle de 15° de longitude correspond à 1 h de longitude. Si l’on dispose d’un événement facile à observer simultanément depuis deux lieux différents à la surface de la Terre, la différence des heures locales sera égale à la différence des longitudes de ces deux lieux.

Ce raisonnement était connu des astronomes au XVIIe siècle ; ils connaissaient la difficulté majeure non résolue à cette époque qui consistait à savoir apprécier la simultanéité de deux observations distantes. En effet on ne disposait pas encore des horloges à balancier capable de « transporter » l’heure. Galilée, comme Peiresc, pensèrent pouvoir utiliser les satellites de Jupiter pour déterminer des différences de longitude : l’apparition ou la disparition d’un satellite derrière Jupiter pouvait convenir comme événements observables simultanément depuis ces deux lieux. Il s’imposait alors de dresser des tables dans lesquelles seraient notés ces événements : en mesurant les heures locale d’un tel événement, on en déduisait facilement la différence de longitude entre ces deux lieux.

Peiresc commença à observer très attentivement la ronde des satellites de Jupiter. Il consigna ces mesures dans des tables conservées dans ses manuscrits astronomiques. pensant les publier, il avait demandé au graveur Jean Chalette (Troyes, 1581 – Toulouse, 1644-) de lui préparer un frontispice.

Les tables de Peiresc ne virent jamais le jour. Apprenant que Galilée avait le même projet, il ne voulait pas risquer de porter ombrage à celui qu’il admirait tant, Peiresc renonça à publier les siennes..

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La ronde des satellites de Jupiter

Dans la perspective de construire les tables des satellites de Jupiter, Peiresc dessina des courbes destinées à mettre en évidence cette ronde. Elles sont remarquables. Pour les dessiner, Peiresc a eu l’idée, certainement très nouvelle pour son époque, de quadriller ses feuilles de papier (notre papier millimétrique n’existant pas encore) et d’employer ce support pour faire ses graphiques.

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L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est Ronde-moderne.jpg.
En h. Dessins de Peiresc (seuls sont clairement identifiés Io et Europe) ; en b. tracés modernes (les quatre satellites galiléens ont été représentés. Manuscrits astronomiques Inguimbertine, Carpentras, Cl. APAP.

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Les noms des satellites de Jupiter

GaliléePeirescSimon Marius
J1PrincipharusCosme le JeuneIo
J2VictipharusCosme l’AncienEurope
J3CosmipharusMaria/FranciscusGanymède
J4FerdinandipharusCatharina/FerdinandCallisto
Liste historique des noms proposés successivement par Galilée, Peiresc et Simon Marius. S. Marius a contesté la primeur de la découverte des satellites à Galilée, se l’attribuant. Or les dates des observations données par Galilée et par Marius n’étaient pas rattachées au même calendrier : grégorien pour Galilée et julien pour Marius. En transposant les dates dans le même calendrier, il s’avère bien que Galilée a été le premier à les observer. Doc. APAP

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Les périodes des satellites galiléens

GaliléePeirescRéalité
J11,77081,77081,7691
J23,55553,56253,5512
J37,16667,14587,1546
J416,75016,666616,6890
Périodes (exprimées en jours terrestres) des satellites galiléens trouvées par Galilée et Peiresc, comparées aux valeurs actuelles. Doc. APAP

On notera la grande précision des mesures faites par Peiresc (les valeurs reproduites sont celles fournies par Gassendi dans sa biographie de Peiresc).

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La nébuleuse d’Orion

Au cours des nuits qui suivirent, Peiresc dirigea son instrument dans le voisinage de Jupiter. À cette époque de l’année, Jupiter était proche de la constellation d’Orion.

Ciel du 26 novembre 1610 à 21h (temps local). On distingue nettement la planète Jupiter non loin de la constellation d’Orion (en haut à droite). Fond de ciel Stellarium, Doc APAP

Dans les manuscrits de Carpentras, à la date du 27, 28, 29 et 30 novembre 1610, Peiresc note sa découverte :

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« Au centre d’Orion, une nébulosité comprise entre deux étoiles en quelque sorte vue de face, éclairée par devant, le ciel n’étant pas parfaitement clair ».  Manuscrit Inguimbertine, Cl. APAP

Cette nébuleuse, désignée par M42 (ou NGC 1976), et qui devrait porter le nom de son découvreur, est considérée de nos jours comme une région du ciel riche en étoiles en formation.

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L’éclipse de Lune du 28 août 1635

Ayant abandonné l’idée de mesurer les différences de longitude avec les satellites de Jupiter, Peiresc pensa à un autre événement plus aisé à utiliser. Une éclipse de Lune pouvait facilement jouer le rôle des satellites de Jupiter.

Lorsque la Lune pénètre dans le cône d’ombre de la Terre pouvait aisément être observé simultanément depuis A et B à la surface de la Terre. La différences d’heures locales est alors la différence de longitude entre A et B. Doc APAP

Lorsque la Lune pénètre dans le cône d’ombre de la Terre pouvait aisément être observé simultanément depuis A et B à la surface de la Terre. La différences d’heures locales est alors la différence de longitude entre A et B.

Peiresc savait qu’une éclipse de Lune se produirait le 28 août 1635 ; il imagina que cet événement astronomique pouvait lui servir pour avancer dans le problème des longitudes. Il fit appel à ses très nombreux correspondants, répartis sur les bords de la Méditerranée, et leur fixa comme tache de noter avec précision différentes phases de l’éclipse : entrée et sortie de l’ombre en particulier. Puis il collationna toutes ces observations. Les calculs qu’il fit ensuite lui permirent de trouver que la Méditerranée était « plus courte » d’une heure de longitude que ce qu’en disait la carte de Ptolémée. En d’autres termes, et avec nos références actuelles, Peiresc avait « raccourci » la Méditerranée de près de 1000 km.

Cette observation mise en place par Peiresc est certainement la première observation coordonnée connue.

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La carte de la Lune

À la suite de l’observation coordonnée de l’éclipse de Lune du 28 août 1635, Peiresc et Gassendi réalisèrent les mesures seraient bien plus précises s’il existait une carte de la Lune : il serait alors bien meilleur de déterminer les moments précis où les cratères lunaires pénétraient ou sortaient de l’ombre au cous d’une éclipse. Pour cela, encore fallait-il disposer d’une carte du sol lunaire et il n’y en avait pas encore.

Parmi les connaissances de Peiresc, il y avait un graveur qui revenait d’un séjour à Rome, précisément après l’éclipse du 28 août 1635 ; il s’agissait de Claude Mellan (Abbeville, 1598 – Paris, 1688). Il lui demanda de réaliser un dessin de la Lune qui devra ensuite être gravé. Mellan accepta et, depuis l’observatoire de Peiresc, situé dans son hôtel de Callas, il fit des dessins de la Lune sous la conduite de Peiresc et de Gassendi.

Cette carte a été la première carte de la Lune.

Gravure de la Pleine Lune réalisée par Claude Mellan. © NBF

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Autres observations astronomiques

Peiresc ne limita pas son activité « astronomique » aux évènements cités plus haut.

Son diaire est tenu avec une régularité remarquable pendant plus de deux ans. Pour chaque nuit il note avec précision la date, l’heure, l’état du ciel et ce qu’il pense pouvoir être nécessaire pour bien décrire son observation. En voici quelques exemples :

novembris 1610
die MERCVRII 17, VERA CONIVNCTIO
novembre 1610
le mercredi 17, vraie conjonction
septembris 1611
die 11 DNICA, hora 5, aere turbidisso
septembre 1611
le Dimanche 11, à 5h, air très trouble
septembris 1611
die LUNAE 12, hora 4 30, coelo non satis sereno
septembre 1611
le lundi 12, à 4 h 30, ciel pas très clair
octobris 1611
die SABBATHI 1, h 4, coelo sereno
octobre 1611
le samedi 1, à 4 h, ciel clair

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Observation de Vénus

Vénus est ce que l’on nomme une planète inférieure, c’est-à-dire dont l’orbite est contenue dans celle de la Terre. Pour cette raison, dès lors que l’on possède un instrument grossissant tel qu’une lunette astronomique, le disque de la planète n’est pas en circulaire permanence. Comme c’est le cas pour la Lune, Vénus montre des phases que Peiresc explique grâce à un croquis.

Manuscrit comportant un dessin fait par Peiresc pour justifier l’aspect en forme de croissant observé avec Vénus. Manuscrits Inguimbertine, Cl. APAP

Les qualités optiques des lunettes astronomiques utilisées par Peiresc n’étaient pas excellentes : en particulier les verres ne subissaient pas de traitement anti-reflet. Comme, de plus Vénus est très brillant, des reflets ont été observés par Peiresc qui semble les avoir interprétés comme l’existence de satellites de Vénus.

Les deux observations faites par Peiresc les 12 et 13 février 1611 montrent assez clairement la présence de deux reflets de Vénus vus de part et d’autre de la planète. Il les désigne par « Major » et « Minor ». Manuscrit Inguimbertine, Cl. APAP

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Observation de la Lune

Peiresc observe la Lune, même le jour de Noël

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Retour salle Peiresc

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